
La proposition de loi pour réintroduire des néonicotinoïdes en France poursuit mardi son examen en commission des Affaires économiques ( AFP / Emmanuel Dunand )
La proposition de loi visant à lever les contraintes pesant sur le métier d'agriculteur a débuté mardi son examen en commission des Affaires économiques à l'Assemblée, où sa mesure la plus sensible, la réintroduction de néonicotinoïdes en France, a déjà commencé à tendre les débats.
Le bloc central, pris en étau entre les revendications d'une partie du monde agricole et les inquiétudes des défenseurs de l'environnement, est partagé sur ce texte venu du Sénat et inscrit à l'Assemblée par le gouvernement. Des divisions qui font planer le doute sur sa possible adoption fin mai dans l'hémicycle, et sur la version qui pourrait être approuvée.
La semaine dernière, devant la commission du Développement durable, il a subi un important revers, avec la suppression d'un article ouvrant la voie à des dérogations environnementales pour certains projets de prélèvement et de stockage d'eau.
A cette occasion, le bloc central a révélé ses divisions sur ce texte couramment désigné "proposition de loi Duplomb" - du nom du sénateur LR qui l'a initialement porté.
En particulier chez les députés des groupes macroniste et MoDem.
Quand certains dénoncent un "cheval de Troie" pour affaiblir les exigences environnementales, d'autres saluent une réponse juste à "un cri du terrain".
La commission était saisie "pour avis" sur la plupart des dispositions du texte qu'elle a rejetées, et c'est à la commission des Affaires économiques de se prononcer désormais sur le fond.
Dès l'ouverture des débats, la tension s'est cristallisée autour de la mesure la plus contestée: la réintroduction, par dérogation et pour certaines filières (noisette, betterave), d'un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, l'acétamipride. Interdit en France depuis 2018, ce produit reste autorisé en Europe jusqu'en 2033.
Le rapporteur, Julien Dive (LR), a défendu une mesure "dérogatoire" dans un cadre "strict" visant à ce que les filières françaises "ne soient pas pénalisées vis-à-vis de leurs concurrentes européennes".
"Nous refusons d'être complices d'un système qui bousille la vie des agriculteurs", lui a répondu la députée insoumise Mathilde Hignet.
Des sanglots dans la gorge, l'élue a évoqué le cas de "Christian", un agriculteur atteint d'une leucémie, "une maladie reconnue comme liée aux pesticides", venu témoigner par le passé devant cette même commission et "décédé le 10 avril dernier".
"Nous connaissons tous dans nos circonscriptions des agriculteurs et nous pouvons les personnaliser, soit emportés par la maladie, soit emportés par la corde qu'ils se mettent autour du cou parce qu'à bout d'une concurrence déloyale qui les étouffe", lui a rétorqué M. Dive.
Sur cet article, "notre groupe n'est pas unanime", a reconnu l'orateur du MoDem Pascal Lecamp, rappelant un amendement de son groupe "pour l'encadrer plus encore".
Chez les macronistes, "une majorité" est favorable à la version proposée par le rapporteur, selon le député Jean-Luc Fugit.
- "menaces" -
S'érigeant comme "seul" rempart "à un effondrement de l'agriculture française", e Rassemblement national a lui défendu "l'abrogation" tout court "de l'interdiction générale des néonicotinoïdes", par la voix de la députée Hélène Laporte.
Durant les discussions, le député socialiste Dominique Potier a dénoncé les "pressions parfois vives" exercées sur certains élus de son camp.
Après le revers essuyé sur le texte la semaine dernière, la FNSEA et le syndicat Jeunes Agriculteurs se sont fendus d'un communiqué pour partager leur "déception immense" menaçant d'une "réaction" à la hauteur de la "trahison" des députés.
A contrario, le troisième syndicat agricole, la Confédération paysanne, défenseur d'une transition agroécologique, a appelé mardi la commission à rejeter la "PPL Duplomb".
"Pour lever réellement les +entraves+ au métier, il faut enfin mettre en place les outils qui permettent de garantir un revenu agricole et de stopper l'accaparement du foncier agricole".
En début de soirée, les députés se sont attaqués à l'examen du premier article.
Il prévoit de revenir sur l'interdiction du cumul des activités de conseil et de vente de pesticides, consacrée par une loi votée en octobre 2018 en vue d'en réduire les usages.
Avec 506 amendements sur l'ensemble du texte, les débats devraient se poursuivre tout au long de la semaine, voire au-delà, a prévenu la présidente de la commission, Aurélie Trouvé.
Le vote sur l'article le plus sensible sur la réintroduction de néonicotinoïdes, devrait intervenir au plus tôt mercredi.
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